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Les mesures d'urgence pour relancer l'économie tunisienne
Tunisie - Économie 15.01.2014
Les experts sont unanimes à souligner que des mesures urgentes
doivent être prises par le prochain gouvernement tunisien pour parachever le
processus transitionnel, afin de sortir de la crise politique et restaurer la
sécurité, en tant que préalables à tout œuvre de croissance et de
développement. Ce dernier pourra, ensuite, s'attaquer aux réformes
structurelles et aux problèmes ponctuels de l'économie tunisienne.
L'Agence TAP a recueilli l'avis de trois universitaires et économistes, Mohamed
Ali Marouani, Mohamed Mabrouk et Moez Labidi, sur les moyens de sortir
l'économie nationale de la crise actuelle.
Ces experts ont surtout, préconisé la révision de la Loi de
finances 2014, par la promulgation d'une loi de finances complémentaire, pour
revoir notamment, les mesures fiscales, la suspension de l'importation des
produits de luxe, la mobilisation de grands investissements pour le financement
de projets publics ou l'incitation au développement régional et la prise de
mesures drastiques pour lutter contre le secteur informel qui ronge notre
économie. Ils ont tous appelé au rétablissement de la confiance entre la classe
politique, l'administration et le citoyen.
Mohamed Ali Marouani, Maître de conférences à l'Université Paris
1-Panthéon-Sorbonne et Secrétaire général du Cercle des économistes arabes
(CEA) a plaidé pour un changement des pratiques des différents gouvernements de
la Tunisie "qui sont restées les mêmes en ce qui concerne les politiques
visant à garantir la paix sociale". "Les différents gouvernements
n'ont pas eu la volonté ou le courage de s'attaquer aux inégalités des
opportunités économiques, à l'origine des inégalités sociales.
Le point commun les caractérisant est l'achat de la paix sociale via les
embauches publiques, l'augmentation des salaires des catégories qui
revendiquaient le plus et une explosion du coût de la compensation",
a-t-il expliqué.
Le résultat de ce choix est, selon M.Marouani, "un espace fiscal de plus
en plus limité pour financer les investissements publics et une difficulté à
boucler le budget, situation que la Tunisie n'a pas connue, depuis les années
1980".
"Créer une agence de développement régional"
L'universitaire qui a considéré que le chômage des jeunes diplômés et le
développement régional sont les dossiers les plus urgents, a estimé que deux
mesures impérieuses auraient pu donner des résultats plus efficaces dans ce
domaine. Il s'agit de la création d'une agence de développement "qui
aurait pu coordonner les activités en matière d'agriculture, d'équipement
public, d'habitat, au niveau régional et qui aurait eu les prérogatives en
matière d'exécution du budget". "Une telle agence paraît
indispensable si nous voulons des résultats rapidement, compte tenu des
difficultés du travail interministériel en Tunisie. A condition évidemment, de
lui allouer les ressources humaines et financières nécessaires".
S'agissant du chômage, il a relevé que le meilleur moyen d'en réduire le taux
est de relancer la croissance et d'adopter des politiques actives qui peuvent
contribuer à l'obtention de résultats rapides, à condition qu'elles ciblent les
jeunes qui ont le plus de difficultés d'employabilité, contrairement à ce qui
s'est passé avec le programme "Amal".
Le Maître de conférences a recommandé également, la création d'une institution
indépendante d'évaluation des politiques économiques et sociales pour favoriser
le débat sur les questions les plus importantes. Il s'agit, encore de procéder
"à la réforme globale de l'administration publique et la simplification de
la bureaucratie dont souffrent les citoyens et les opérateurs
économiques".
«Impératif d'ancrer une culture de la redevabilité»
Cette réforme permettrait, a-t-il relevé, de réduire la corruption et le
népotisme et de créer une culture de la redevabilité et de l'évaluation des
politiques qui doit être au centre de l'action publique.
Selon l'universitaire, des indicateurs-clés de performance "Keys
performance indicators" doivent être assignés à tous les décideurs, y
compris les ministres (à l'image de ce qui se fait en Malaisie par exemple),
pour promouvoir plus d'efficacité dans l'action à tous les niveaux de la prise
de décision.
«Nécessité de re-créer un ministère de l'économie et des finances»
Il paraît aussi important, d'après lui, de "re-créer un ministère de
l'économie et des finances plutôt qu'un simple ministère des finances qui
symbolise un choix néo- libéral fait dans les années 1980, d'un Etat qui
n'interviendrait que via la collecte et la dépense des fonds publics".
Pour le secrétaire général du CEA, l'absence d'une politique économique
générale et d'un calendrier de réformes en Tunisie, a contribué à décourager
les investisseurs et à affaiblir la position du pays dans les négociations avec
les bailleurs de fonds internationaux. D'après lui, la réforme du secteur
bancaire et des entreprises publiques en difficulté est le second chantier du nouveau
gouvernement.
La relance du secteur touristique via une application (même partielle) de
l'accord "Open Sky" peut donner des résultats rapidement, à l'instar
de l'expérience marocaine.
Mohamed Mabrouk, universitaire et économiste a constaté de son côté, que la
crise par laquelle passe la Tunisie est le résultat des revendications
"excessives" émanant aussi bien des citoyens que des politiciens. Il
a estimé que l'augmentation continue des dépenses mobilisées pour satisfaire
ces revendications, pourrait mener à la faillite de l'Etat.
L'économiste a jugé préférable pour le nouveau gouvernement "d'orienter
les montants destinés à la recapitalisation des banques publiques (1000 MD)
vers le financement de grands projets publics, notamment, dans le domaine des
énergies renouvelables et l'octroi d'avantages pour la création d'usines de
fabrication des équipements utilisés dans ce domaine".
"Faute de transparence, il ne faut pas s'engager dans de nouveaux
contrats d'exploration pétrolière"
L'expert a recommandé au futur gouvernement "de ne pas s'engager dans de
nouveaux contrats d'exploration avec des compagnies pétrolières, ou se lancer
dans l'extraction du gaz de schiste, en attendant que la transparence
s'instaure au niveau de ce secteur", faisant remarquer que "les
statistiques et les données sur cette activité, restent inaccessibles et
opaques".
M.Mabrouk a fait savoir, à ce sujet, que "les compagnies pétrolières
internationales opérant sur le territoire tunisien tirent profit, actuellement,
de la faiblesse du gouvernement après la révolution, pour imposer leurs règles
et exploiter davantage les richesses naturelles du pays".
S'agissant des perspectives 2014, il a estimé que la réalisation d'une
croissance à hauteur de 4% "ne peut pas être possible, sauf si l'on
submerge l'Etat de dettes".
"Un nouveau contrat social est souhaitable"
Pour sa part, l'expert et universitaire, Moez Labidi, a appelé à la conclusion
d'un nouveau contrat social instaurant une trêve qui engagera l'ensemble des
syndicats et des partis politiques.
Il a plaidé, en outre, en faveur d'une réduction des salaires des premiers
responsables (ministres, secrétaires d'Etat, députés...) et d'une révision des
nominations au niveau des gouverneurs, en vue de garantir des élections
transparentes.
Laâbidi a préconisé la mise en place de mesures fermes pour lutter contre la
contrebande et le commerce parallèle et réduire, par conséquent, le taux
d'inflation.
Concernant les perspectives économiques, il a prévu, par ailleurs, une baisse
de la pression sur les devises à court terme et une amélioration du taux de
change du dinar, par rapport à l'euro et au dollar.
Pour 2014, l'expert a écarté la possibilité d'un redressement des
investissements directs étrangers (IDE), en raison du contexte des élections et
de l'attitude d'"attentisme adoptée par bon nombre d'investisseurs".
Concernant la notation souveraine de la Tunisie, celle-ci "ne connaîtra
pas un grand changement cette année.
Même si elle sera révisée, elle passera uniquement d'une perspective négative,
à une perspective stable", a-t-il dit.
Source : TAP
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