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Rétrospective de l'économie tunisienne en 2013: Retour sur une crise qui n'en finit pas.
Tunisie - Économie 30.12.2013
De l’année 2013, on retiendra un pays dont l’économie reste prise
en otage par la fracture politique, les divergences et les chamailleries qui
non seulement ont amoché le climat économique et rallongé outre mesure la période
de transition et de ce fait affaibli la confiance des agents économiques. A
cela s’ajoute la tournure dramatique qu’a connue la scène politique tunisienne
très tôt en début d’année : en tout, deux assassinats politiques, des groupes
armés qui pullulent dans certaines régions du pays, 13 jours de deuil national
et trois premiers ministres. Avec un tel panorama, difficile d’en vouloir aux
agences de notations qui ont abaissé trois fois cette année la note de la
Tunisie, ni aux institutions internationales dont les derniers rapports
concernant notre pays sont de plus en plus alarmants et les prévisions de
croissances révisées à la baisse à plusieurs reprises. Le FMI, par exemple, a
retardé le déblocage des versements de septembre et de décembre 2013 prévus
dans la ligne de crédit de 1,7 milliard de dollars accordée au pays en juin
pour soutenir sa transition démocratique, en raison de la situation politique
qui prévaut. Le Fonds avait préalablement signalé l’urgence de mettre au point
un plan pour maîtriser notamment le déficit budgétaire.
Après la contraction de 1,9% de l’économie nationale en 2011, la Tunisie a pu
compter sur le relatif rebond du secteur touristique et des activités minières
mais aussi sur les effets de base pour réaliser un retour à la croissance en
2013 à un taux de 3,6% qui laissaient augurer une poursuite de la reprise que
le budget de l’Etat prévoyait à hauteur de 4,5%. Le 6 février, les tensions
sécuritaires prennent une tout autre ampleur avec l’assassinat de Chokri
Belaid, suivi le 25 juillet par un deuxième assassinat politique dont a été
victime le député Mohamed Brahmi et par des épisodes tragiques qui ont jalonné
l’année, notamment dans la région de Chaambi. Combinés à l’impossibilité
d’introduire les réformes économiques pressantes en raison d’une crise
politique sans précédent, les risques liés à la situation sécuritaire ont plus
que jamais compliqué la donne.
Le dernier communiqué de la Banque Centrale de Tunisie résume une conjoncture
inquiétante, évoquant la décélération du rythme des crédits à moyen et long
terme, les concours à l’économie se sont rétractés par rapport à fin 2012,
passant de 7,8 à 5,8%, un déficit courant toujours élevé malgré une baisse de
6,9 à 6,5% entre 2012 et 2013, ce qui continue de peser sur les réserves de
changes, déjà sous pressions. Les avoirs en devises couvrent 108 jours
d’importations contre 114 jours à la fin de l’année 2012. A la fin de l’année,
la croissance devrait se réduire à 2,6% ou 2,7%, le taux de chômage aura
augmenté de 16,5% selon les derniers chiffres de l’INS et l’inflation sera
autour de 5,8 %, en glissement annuel au mois d’octobre. La Banque Centrale
précisait toutefois que ce taux cachait une nette accélération du rythme de
l’inflation de base (hors prix des produits encadrés et des produits frais) qui
a atteint 6,9% au même mois, contre 6,8% en septembre. Par ailleurs, le dinar a
enchainé les mauvais records, reculant au plus bas de sa courbe de 12% par
rapport à la monnaie européenne, avant de reprendre un peu de terrain dans le
dernier tiers du mois de décembre pour revenir à -10,4% par rapport à l’euro.
Les trois principales agences de notation n’ont pas manqué de suivre de près
l’évolution de la situation en Tunisie, la dernière publication en date est
celle de Moody’s du 02 décembre 2013, avec un nouvel abaissement d’un cran à
Ba3 qui relègue notre pays dans la catégorie spéculative, et une note assortie
d’une perspective négative, laissant présager une nouvelle dégradation.
L’agence souligne surtout l’incapacité du pays à se doter d’institutions
politiques stables et viables dans des délais relativement raisonnables,
ajoutant qu’une amélioration de la note est improbable en raison de la forte
polarisation du paysage politique et de la difficulté de trouver un consensus
sur la loi fondamentale du pays pour enfin laisser la voix à la mie en œuvre de
réformes économiques à même de s’attaquer au problème structurels et de mettre
la Tunisie sur la voix d’une vraie reprise économique solide et durable.
Avant Moody’s, L'Agence de notation Fitch Rating a abaissé la note souveraine
de la Tunisie de BB+ à BB- avec des perspectives négatives. La note relative à
la capacité de remboursement en monnaie locale a également été abaissée de BBB-
à BB avec perspectives négatives. La note à court terme a été maintenue à B.
L'Agence justifie sa décision par la dégradation de la situation sécuritaire
dans le pays et la multiplication des attaques perpétrées par des groupes
terroristes, dans un climat politique déjà terni par deux assassinats, ce qui
paralyse la prise de décision et freine la transition politique. Fitch a révisé
à la baisse « ses projections réelles de croissance du PIB en Tunisie à 2,8% en
2013 et 3% en 2014, tandis que l’inflation a augmenté et devrait atteindre 6%
en moyenne en 2013. L’agence s’attend à ce que le déficit du compte courant
reste élevé à 8,1% du PIB en 2013, et 7,7% en 2014. Fitch a également souligné
les pressions sur la monnaie nationale et la détérioration du déficit
budgétaire qui devrait selon ses analystes, dépasser 7% du PIB.
Standard& Poor’s dégradait à son tour la note souveraine de la Tunisie :
BB- pour le long terme et B pour le court terme associée à une perspective
négative, ce qui fait entrevoir une possible dégradation dans les douze
prochains mois. Le déficit budgétaire et des comptes courants du pays
devraient, selon S&P, rester au dessus de 5% du PIB jusqu'en 2016 en raison
du besoin de recapitalisation des banques et de la faible croissance des
exportations. Le PIB par habitant devrait être encore pénalisé par la faiblesse
de la demande européenne et un secteur bancaire fragile, ce qui devrait le
limiter à environ 1% par an entre 2013 et 2016.
L’année se termine par les longues tractations qui ont abouti au choix d’un
nouveau chef du gouvernement, plus ou moins consensuel, qui devra affronter le
cumul de chantiers urgents légués par ses prédécesseurs pour peu qu’un
dénouement politique survienne sur les questions clés, à commencer par le
projet de constitution, qui sera débattu en séances plénières de l’ANC à
compter du 3 janvier 2014, consacrées à l’examen du texte article par article.
Dans la même semaine, et selon le président de l’ANC Mustapha Ben Jaafar, il
y’aurait la mise en place de l’instance supérieure indépendante pour les
élections (ISIE) qui permettra de fixer une date pour le prochain rendez vous
électoral. L’année 2014 risque de faire les frais des choix politiques
controversés, à l’image de la loi de finance fortement critiquée à qui on
reproche entre autres l’augmentation de la pression fiscale sur la classe
moyenne avec la réduction de 22% du budget de la caisse de compensation. Le
projet de loi de finance 2014 table sur une augmentation des recettes fiscales
de l’ordre de 7,8%. Le projet de budget de l’Etat qui atteint 28.125 M D, table
sur une croissance de 4% en 2014.
Source: Tustex