MCPActualités

Actualités

L’impôt sur les sociétés sera prochainement ramené à 20%

Tunisie - Économie 17.12.2014

L’impôt sur les sociétés sera prochainement ramené à 20%

Alors que la Loi de finances 2015 vient d'être votée par l'ARP, l'actuel ministre de l'Economie et des Finances, Hakim Ben Hammouda, a accordé une interview à Business News, mardi 16 décembre 2014, dans laquelle il a commenté ladite loi mais également la situation économique actuelle et les missions du gouvernement à venir. Entretien.

 

 

Que pensez-vous des recours récemment déposés par la présidence de la République contre la Loi de finances 2015 ?

 

Ce sont des recours qui portent sur les articles : 11, 12 et 13 de la Loi de finances 2015. Ces articles ont été rajoutés par la commission des finances au sein de l’Assemblée, lors de l’examen de la Loi de finances. La procédure d’une loi de finances, c’est que le gouvernement propose un certain nombre d’articles, ensuite les députés en suggèrent de nouveaux pouvant être votés et inclus. La seule condition est que lorsque les députés proposent des articles qui ont un impact financier en moins, il faut impérativement qu’ils proposent, en retour, un moyen de combler le manque à gagner, de manière à ce que l’équilibre soit maintenu. Les articles visés par les recours concernent le transfert des fonctionnaires de l’ANC et du Sénat.

Un autre recours est relatif au projet de modification du code des Douanes, proposé par le gouvernement. Notre principal objectif est de vendre les biens abandonnés dans les ports et d’en faire un lieu de transit et non de dépôt. Certaines marchandises sont abandonnées depuis plus d’une dizaine d’années et ce phénomène est visible dans chaque port tunisien, puisque je les ai visités. On ne peut plus se permettre de perdre ces espaces dans les ports, il faut fluidifier le trafic.

 

 

La Loi de finances, votée en 6 jours, ce n’est pas un peu bâclé ?

 

 Au contraire. C’est une loi explicite. D’abord, c’est une loi qui vient après une Loi de finances complémentaire, qui était lourde en termes de dispositifs où il y avait une centaine d’articles, et une loi 2016 qui va l’être aussi, compte tenu du fait qu’une partie de la réforme fiscale y sera appliquée.

La loi de 2015 a été donc une loi de répit, et toutes les dispositions qui ont été prises, sont des dispositions d’obligation à l’administration. Par exemple, dans le cadre d’une révision fiscale, il existe des obligations de dates pour les entreprises mais pas pour l’administration. On a de ce fait introduit un certain nombre d’obligations, pour l’administration, de réponse au client. On a introduit une mesure qu’on appelle « le couloir vert », concernant la récupération du crédit d’impôt pour les entreprises en règle avec l’administration fiscale.

L’idée est d'avoir des entreprises en règle avec la loi, qui aient des facilités, et de dégager des fonctionnaires qui faisaient des contrôles, pour s’occuper plutôt de l’évasion fiscale. L’idée donc c’est de dire, qu’il y a des entreprises qui font correctement leur travail et pour cela il faut leur faciliter la tâche, leur éviter des problèmes… Le retard dans le crédit d’impôt peut avoir comme conséquence des difficultés de trésorerie. Le couloir vert, consiste en ce que les entreprises pourront récupérer en une semaine leur crédit d’impôt. Cette mesure favorisera une relation citoyenne entre l’entreprise et l’administration fiscale.

 

 

Quel est votre avis concernant les propositions de mesures économiques de Nidaa Tounes, présentées ces derniers jours ?

 

Ce qui est le plus important, dans l’état actuel des finances publiques, c’est de trouver des solutions pour augmenter les recettes. On a trouvé une situation, où les recettes propres sont en dessous des 60% des dépenses, alors que les recettes propres doivent représenter 85% des dépenses. Les 85% c’est la limite, en dessous de ce chiffre, les clignotants commencent à être rouges. La Tunisie était à 60% lorsque j’ai accédé au poste de ministre.

Il faut savoir que de ce chiffre découlent les difficultés des finances publiques, le niveau d’endettement, etc. Ce chiffre a été l’une de mes priorités, on l'a ramené à 70% avec la Loi de finances complémentaire 2014 et avec la Loi de 2015, à 75%. En 2010, le chiffre devait être autour de 85% et on peut expliquer sa chute par deux choses qui ont beaucoup changé. Le montant des investissements publics a connu une augmentation conséquente après 2011, ce qui n’était pas le cas avant.

Aujourd’hui, les investissements publics sont passés de 2 à 5 milliards, les salaires aussi ont augmenté, et le troisième aspect important, c’est les subventions toujours en hausse, liées à l’explosion des prix des matières premières et au prix du pétrole au niveau international. Il faut savoir que dans les années 2000, ce qui importait le plus c’est l’équilibre macroéconomique sans qu’il n’y ait d’autre souci concernant le développement régional ou l’investissement. La preuve, c'est les inégalités régionales, le développement du chômage, etc. C’est la préoccupation qui a guidé la politique économique à travers le maintien des équilibres macroéconomiques, on perd ainsi  l’inclusion sociale et le développement régional en s’astreignant à cet aspect.

 

 

Puisque vous donnez tellement d’importance aux recettes propres de l’Etat, pensez-vous que le prochain gouvernement devrait éviter les mesures dépensières ?

 

Une chose que j’ai apprise de mon expérience dans les institutions internationales : les grands équilibres macroéconomiques sont une chose essentielle, toutefois il ne faut pas qu’elle soit la seule, et ce pour une raison très simple. Le point d’entrée à l’indépendance de la décision économique nationale, est la maitrise des grands équilibres : si on perd nos grands équilibres, on n’a plus de politique économique.

En même temps, je pense que l’austérité ne règle pas les problèmes des grands équilibres, je suis plutôt pour une politique de relance. C’est ce qu’on a essayé de faire avec toutes les mesures de relance de l’investissement public et privé. Tout en sachant que dans des périodes d’incertitude, c’est plutôt l’investissement public qui porte la croissance. Avec la fin de cette transition politique, j’espère que l’investissement privé pourra sortir de l’attentisme. Il faut rappeler que c’est cet investissement privé qui avait porté la croissance tunisienne dans les années 70-80. Il faut mettre en place le climat nécessaire pour favoriser la relance à travers ce biais.

 

 

Dans une déclaration à African Manager, Tahar Bayahi [président du groupe Bayahi] a dit que la Tunisie est décrédibilisée et que les autorités en sont responsables, que répondez-vous à ça ?

 

Je n’ai pas pris connaissance de cette déclaration. Je pense que l’investissement international dépend aussi de l’investissement national. On est dans une situation où il n’y a pas encore de reprise de l’investissement national, et c’est le dossier de réforme le plus important à faire.

Au niveau législatif, deux choix se présentent : doit-on aller vers un code d’investissement, ou doit-on aller vers une charte d’investissement, beaucoup plus simple et claire ? Ma position est que des codes d’investissement très compliqués, et donnant une grande marge d’interprétation pour l’administration, ne sont pas une bonne direction. Il faut voir l’expérience des pays qui ont appliqué des chartes d’investissement très délimitées avec des responsabilités claires, comme le Maroc par exemple.

L’autre aspect, c’est le cadre institutionnel de l’investissement. Aujourd’hui, on a beaucoup d’institutions qui s’occupent de l’investissement, et il faudrait véritablement réduire leur nombre. On pourrait en faire une seule, comme l’expérience d’autres pays l’a montré : mettre en place une seule agence de promotion des investissements. On a une multitude d’institutions, et cette multiplicité se traduit par des niveaux d’autorisations supplémentaires. De ce fait, je pense que le gros travail pour le prochain gouvernement, c’est véritablement le dossier de l’investissement. Poursuivre les réformes est le troisième point qui a de l’importance. On a entamé celles des réformes bancaires ou fiscales.

D’autre part, il n’y a pas seulement l’incertitude politique qui pèse aujourd’hui sur l’investissement, il est évident que notre cadre institutionnel et législatif doit être revu. S’il y a des chantiers qui doivent être lancés lors des premiers 100 jours du prochain gouvernement, c’est véritablement celui de l’investissement, il est impératif qu’il reprenne de la vigueur. Je reçois au moins trois ou quatre investisseurs par semaine dans mon bureau et il est clair que le site Tunisie garde une certaine attractivité.

 

 

Des propositions « farfelues » ont été présentées à la LFC 2014 et ont engendré beaucoup de critiques à votre égard. Pourquoi avez-vous privilégié ce type de mesures plutôt qu’une seule grande réforme comme l’augmentation de la TVA par exemple ?

 

 En ce qui concerne la LFC 2014, la véritable réforme a été la lutte contre l’évasion fiscale, avec des mesures assez importantes. On peut évoquer le régime forfaitaire, la réforme dans le secteur de l’immobilier, des mesures contre la contrebande, etc. Concernant la taxe sur le mariage, on l’a évoquée pour montrer le fait qu’un certain nombre de services administratifs sont rendus de manière pratiquement gratuite. Le mariage peut être un exemple, on peut également citer le fait qu’un certificat de naissance ne coûte que 150 millimes etc. Il fallait donc sensibiliser sur la quasi-gratuité des services administratifs. Si on veut améliorer la qualité des services il faut les valoriser sans pour autant aller vers leur valeur marchande.

Cependant, les priorités de la LFC 2014 ont été l’évasion fiscale et la contrebande, mais ce sont des mesures qui ne rapportent pas dans l’immédiat car une grande partie de ces mesures ne rentreront pas en application de manière immédiate mais le 1er janvier 2015. La Tunisie a une chance par rapport à d’autres pays, c’est qu’on peut élargir l’assiette fiscale et c’est ce que nous avons voulu faire.

 

 

Aujourd’hui, des entreprises honnêtes se retrouvent à payer plus d’impôt que leurs propres gains, ne pensez-vous pas que cette pression fiscale est un frein pour les entreprises ?

 

Pour encourager l’investissement, il faut impérativement réduire la pression fiscale. On est passés de 32% à 25% au niveau de l’impôt sur les sociétés. Ce qui est très important, c’est qu’on passera avec la réforme fiscale à 20%. L’idée est de ne pas s’arrêter en si bon chemin, c’est donc d’aller jusqu’à 20%. Les deux objectifs de la réforme fiscale sont l’équité et une fiscalité favorable à l’investissement.

Le problème c’est qu’on a un équilibre à trouver entre les finances publiques, les recettes des finances et en même temps l’effort qu’on a à faire sur l’investissement. Le troisième aspect concerne les entreprises totalement exportatrices. Au niveau international, la tendance est de créer une convergence fiscale entre plusieurs pays. Par conséquent, la réflexion c’est de stabiliser l’impôt sur ces sociétés à 10% en 2015 ce qui permettra de récupérer le manque à gagner. Ainsi, tout doit être fait pour que l’investissement redevienne le moteur économique de la croissance.

Nous avons besoin d’un nouveau modèle de développement, nous savons tous qu’il doit être axé sur les nouvelles technologies et les nouveaux secteurs. Cela ne peut se réaliser qu’en encourageant des investisseurs en interne et en amenant les grandes entreprises étrangères à investir en Tunisie. Je crois que la destination Tunisie est une destination  d’avenir pour ces investisseurs. Je reste optimiste. On a des défis à relever : le défi de la poursuite de la transition pacifique et apaisée, relever le défi sécuritaire dans lequel on a des avancées, mais aussi le défi économique qui n’est pas moins important.

 

 

Est-ce que vous accepteriez de rempiler si l’on vous proposait un poste au prochain gouvernement ?

 

Je suis le produit de l’enseignement public et je n’ai jamais eu la chance de travailler pour mon pays. Cette expérience à la tête du ministère des Finances a été la plus enrichissante et la plus exaltante expérience professionnelle de ma vie. Je suis heureux d’avoir travaillé pour mon pays. Ce qui m’importe c’est ce que j’ai pu faire et que j’ai pu contribuer à construire l’avenir de la Tunisie. Il est clair, également, que je suis aujourd’hui un meilleur économiste que lorsque j’ai pris mes fonctions.

Je viens d’une institution internationale et je pense revenir vers cette institution ou peut être en expérimenter une autre. Je dois passer le relai. Je vois la succession des gouvernements comme une course de relai et chacun doit préparer au mieux le terrain pour celui qui va lui succéder.

Quand j’étais dans les institutions internationales, j’ai toujours été attristé par les lendemains d’élections gagnées avec des scores à la soviétique. Aujourd’hui je suis fier, tous mes amis dans les institutions internationales comme Christine Lagarde ou Jim Kim de la Banque mondiale m’appellent pour me féliciter. Le nombre de coups de fil que j’ai reçu le jeudi suivant le vote de la Loi de finances en conformité avec la Constitution était impressionnant.

 

Vous ne répondez pas à notre question M. Ben Hammouda...

Très sincèrement, j’ai toujours tenté de profiter de l’instant présent. Pour l’instant, je poursuis cette expérience exaltante jusqu’au 15 février, délai auquel ce gouvernement laissera la place à celui qui lui succédera. Je suis dans cette optique là pour l’instant et je n’ai pas encore pensé à la suite.

 

LEADERS

------------

© 2014, MENA Capital Partners tous droits réservés. Les informations et statistiques contenues dans ce document ont été préparées par MCP sur la base de renseignements provenant de sources considérées comme fiables. Malgré nos efforts pour mettre à disposition des informations précises, leur conformité et leur exactitude ne peuvent être garanties. Cette publication est destinée à l'information des investisseurs et ne constitue pas une offre de vente ou d'achat de titre.

 


                                    

                                  
L’impôt sur les sociétés sera prochainement ramené à 20%