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Chedly Ayari parle, franchement et en toute clarté, de la STB, de la Stusid et de la TFB!
Tunisie - Économie 22.10.2014
«Pecunia
nervus belli» (Traduisez du Latin : L’argent est le nerf de la guerre), disait
Thucydide, homme politique et historien athénien. Les guerres en Tunisie,
depuis l’avènement de la révolution, sont devenues nombreuses. D’abord contre
la pauvreté, pour l’emploi, pour le redémarrage de l’économie et de
l’investissement et, enfin, contre le terrorisme et la contrebande.
L’argent,
on le retrouve normalement dans le trésor de l’Etat et dans les banques qui
sont au centre de tout système financier. En Tunisie, les banques sont malades
de 50 ans de gaspillage, parfois de mauvaise gestion et pas toujours de leurs
premiers responsables mais des gouvernements successifs. Malades, elles le sont
presque toutes. Mais au premier rang des grands malades, on trouve les banques
publiques et à leur tête la Société tunisienne de banque (STB). C’est de toutes
ces institutions financières à la santé fragile que nous avons parlé avec le
Gouverneur de la BCT (Banque Centrale de Tunisie).
«La
STB a été auditée en profondeur et on sait combien d’argent il lui faut. Toutes
sortes de besoins compris, nous sommes actuellement à 800 MDT pour qu’elle
puisse se mettre à jour, retrouver ses équilibres financiers et répondre aux
exigences d’une banque normale, provisionner ses pertes, rétablir ses ratios de
liquidité et répondre aux exigences de Bâle II», dit-il à Africanmanager à
propos de la première banque publique du pays. «Nous le savons, tout cela »,
dit-il sur le ton de celui qui lâchait une évidence, avant de se reprendre.
Plus alerte, il ajoute avec une pointe d’inquiétude, que «il faut qu’elle ait
ces moyens, d’ici avant la fin de l’année 2014» et de répéter, comme pour
souligner l’urgence de la chose, «c'est-à-dire d’ici deux mois».
- La
STB, une banque systémique qui doit être sauvée !
On
se le rappelle, cette banque avait été la première à passer devant l’ANC
(Assemblée Nationale Constituante) pour valider un plan de redressement
financier qui n’a jamais été exécuté. La même ANC avait par la suite adopté un
texte allouant le montant d’un milliard DT pour recapitaliser les banques
publiques. «Notre proposition, à moins d’un problème [ndlr : avec l’ANC], c’est
un projet de loi qui allouait 800 MDT à la seule STB. Or, il y a un long débat là-dessus
qui fait qu’on n’a pas pu passer ce projet de loi, bien que l’argent existe et
ait été voté » expliquait Chedly Ayari pour Africanmanager. Et lorsque nous lui
demandons qu’en sera-t-il si elle ne les a pas, le Gouverneur de la BCT
s’empresse de répéter que «elle les aura, elle les aura. Elle les aura sous
plusieurs formes, ça, c’est sûr», ajoutant qu’ils sont (BCT et ministère des
Finances) en train de penser aux moyens d’y parvenir. Et à bien le comprendre,
en détournant le refus de l’ANC pour sauver cette banque. Pour Chedly Ayari, il
est hors de question que «cette banque systémique disparaisse» et d’assurer et
rassurer que «elle sera sauvée» et que «jamais l’Etat ne laissera tomber la
STB». Le Gouverneur assure avoir reçu les actionnaires, publics et privés, de
la STB. Tous lui ont affirmé qu’ils suivront la prochaine augmentation du
capital. «On est en train d’imaginer une ingénierie financière pour cette
augmentation que les privés pourront suivre. Je leur ai proposé un petit
montage technique, un système de portage, qu’ils ont tous accepté, même les
Koweitiens. Avec les privés, les autorités tunisiennes espèrent n’avoir à
débourser que 400 MDT », conclut Chedly Ayari.
- «La Stusid va très mal» et pourrait être vendue aux
Saoudiens déjà actionnaires.
Notons
que la STB avait terminé l’exercice 2013 avec un très lourd passif et n’a pas
encore tenu son Assemblée générale pour cet exercice. Elle n’est pas la seule.
Dans un autre genre, celui des petites banques, on retrouve la Stusid (Banque
tuniso-saoudienne). Pour le cas de la banque Stusid, le gouverneur de la BCT a
estimé que «Ah oui ! C’est une catastrophe. Je suis d’accord, elle est en
mauvais état, très mauvais état et tu mets le doigt sur un problème majeur »,
réagit-il de prime abord, lorsque nous évoquons le cas de cette petite banque,
ex-banque de développement qui ne réussit pas encore sa mue vers la banque
universelle. Et Ayari de se montrer ensuite déterminé à résoudre ce problème.
«On a d’abord l’intention d’alerter, officiellement, en tant qu’autorité de
supervision, le ministère saoudien des Finances, le partenaire saoudien, sur la
situation où se trouve la Stusid». Une première rencontre a, à cet effet, eu
lieu avec les actionnaires de la Stusid, pour «leur dire que leurs indicateurs
dysfonctionnaient partout et que tout ce qui fait l’équilibre d’un bilan est en
désarroi». Chedly Ayari ne compte pas, à propos de cette banque, y aller par
quatre chemins. «L’approche est la suivante » dit-il, avant de préciser que
«l’Etat a définitivement décidé de se débarrasser de toutes ses participations
minoritaires ». La décision est valable aussi bien pour la Stusid que pour la
BTL (Banque tuniso-libyenne) ou pour la BTE (Banque Tunisie Emirats). L’Etat
tunisien a aussi l’intention, selon ce que nous affirme le premier responsable
de la BCT, de proposer aux partenaires étrangers de racheter les participations
de l’Etat tunisien, comme il l’avait déjà fait avec les Qataris pour la TQB. En
cas de refus, «on met ça à la vente, soit pour des partenaires tunisiens soit
pour des étrangers», précise-t-il. Dans les deux cas, l’autorité financière
tunisienne compte demander un business plan aux acquéreurs, ce qu’ils comptent
faire et quelle plus-value et le know-how comptent-ils ajouter à l’économie
tunisienne. Tout cela se fera dans le cadre global du plan de restructuration
bancaire, mais il affirme que le désengagement des participations minoritaires
devrait commencer vers 2015 !
- Ladjimi, l’homme providentiel pour la TFB ?
Mais
il y a aussi une autre banque, la TFB (Tunisian Foreign Bank ou Ex-UTB en
France) qui fait ces derniers temps parler d’elle depuis le changement de sa
direction. En parler avec le Gouverneur de la BCT était une obligation, surtout
que cette dernière avait décidé de remplacer son DG, alors qu’il n’avait même
pas terminé son exercice. A la TFB, en effet, Slaheddine Ladjimi remplace déjà
Mehdi Haddad. «La TFB est une banque malade, depuis longtemps. Elle est même
dans un état lamentable, une banque qui doit se transformer pour ne pas
disparaître et se chercher pour cela un partenaire stratégique», indique le
Gouverneur Ayari à Africanmanager, en expliquant que c’est «un mauvais héritage
et une accumulation de fautes, de mauvaise gestion, de mauvaise gouvernance,
qui perd de l’argent et de la clientèle et une banque qui a failli perdre sa
licence. Il fallait donc agir». Ayari nous indique s’être lui-même déplacé en
France où il a rencontré les autorités monétaires de la place qui lui ont
assuré qu’ils «font une fleur à la Tunisie en ne fermant pas cette banque [ndlr
: la BCT, la STB et la BH y sont actionnaires] qui contrevenait à toutes les
normes prudentielles du pays où elle se trouve et avait dû payer 700.000 DT
d’amende. «Pour nous, c’est une plaie et ça va de mal en pis» tonnait encore le
gouverneur. Pour lui, Mehdi Haddad, «garçon très sympathique, par ailleurs»
dit-il, «n’avait pas soit assez de moyens soit assez de poigne pour tenir la
banque et agir» dit-il encore. Et de conclure que «il fallait agir, trouver une
solution de secours, trouver un banquier qui a fait ses preuves et qui a déjà
sauvé une banque, pour prendre en main une banque complètement à la dérive. Et
je n’ai fait le saut que lorsque j’ai trouvé cet homme, Slaheddine Ladjimi» et
il ne tarit pas d’éloges sur son passage à la Biat. Et lorsqu’on lui rappelle
que les actionnaires n’avaient peut-être pas outillé l’ancien dirigeant de la
BFT des moyens nécessaires pour être maître à bord, Chedly Ayari répète que
Mehdi Haddad «est un gentil garçon, mais qu’il fallait un homme fort, avec un
passé fort qui pouvait prendre des décisions fortes de sauvetage», une grande
gueule en quelque sorte. Ayari reste quand même catégorique : «L’option n’est
pas de la privatiser, mais de lui chercher un partenaire stratégique, tunisien
ou étranger, et lui donner un nouveau lustre ».
African
Manager
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