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L'économie mondiale à l'heure de la "démondialisation
Monde - Économie 29.09.2014
La rupture dans la dynamique du commerce mondiale, enjeu
structurel, a des implications considérables pour la croissance mondiale et les
marchés financiers.
Entre 1990 et 2008, le volume des échanges mondiaux a été
multiplié par près de deux, correspondant à une croissance 1,8 fois plus rapide
que celle de la production mondiale. Politique de libre-échange, émergence des
pays d’Asie, délocalisation et déséquilibres des comptes courants, expliquent
pour l’essentiel cette évolution puis, dans son sillage, le mouvement de
globalisation économique et financière qui a caractérisé les années 2000.
Rares sont les pays n’ayant pas bénéficié d’une croissance
exceptionnelle de leurs exportations pendant ces années, y compris les plus
mauvais, dont on lisait la sous-performance par la perte de parts de marchés
-expression d’une croissance moins rapide que celle du reste du monde- plutôt
que par un déclin absolu de leurs ventes. En France, le volume des exportations
a été multiplié par 2,5 entre 1990 et 2008, quand la production industrielle
augmentait de moins de 15 %.
Le développement des échanges a eu un effet d’entraînement
inestimable sur la croissance mondiale des vingt dernières années avant la
crise, permettant tout à la fois aux plus pauvres de se construire une base
industrielle sur laquelle asseoir leur développement et aux plus riches de se
refaire une jeunesse, après deux décennies médiocres qui avaient suivi les deux
chocs pétroliers de 1973 et 1981.
Le mouvement de globalisation qui s’en est suivi a, par ailleurs,
changé la face du monde. Aux flux commerciaux ont succédé les flux
d’investissements internationaux, les flux financiers, ceux de travailleurs en
même temps que de touristes, quand la stratégie des entreprises n’a plus eu de
sens que par ses initiatives internationales.
2009-2014 – la
mondialisation en marche arrière
Le commerce mondial ne s’est jamais véritablement remis de la
crise économique et financière de 2008. Si le volume des échanges a renoué avec
ses niveaux d’avant-crise dès 2009, les choses n’ont guère évolué depuis.
Stagnant depuis 2011, le contenu en importations de la croissance mondiale
reflue ces derniers mois et pourrait bien avoir entamé un repli durable.
A court terme, faible croissance économique sur fond de tensions
géopolitiques internationales préfigurent probablement, en effet, une
accentuation de la tendance au repli des échanges constatée depuis le début de
l’année. L’élasticité des importations américaines à la croissance s’est
notablement réduite ces dernières années et le pouvoir de diffusion d’une
conjoncture, aujourd’hui mieux orientée, est indiscutablement écorné. Par
ailleurs, l’excédent courant de la zone euro parle de lui-même, quand la
tournure récente de la conjoncture ne laisse guère de doute sur les tendances
en cours du commerce extérieur. Enfin, le regain d’importations du Japon depuis
l’accident de Fukushima n’est pas de nature à redynamiser les échanges autres
que ceux de matières premières.
A plus long terme, c’est du côté chinois que se trouveront, ou
non, les chances de voir s’inverser la trajectoire actuelle. Après avoir été le
principal moteur de la mondialisation, le repli de la Chine sur elle-même
explique, en effet, dans une large mesure la rupture observée sur le front des
échanges depuis 2011. À la moindre dépendance naturelle du pays aux
importations, au fur et à mesure des implantations d’entreprises étrangères sur
son propre territoire, se sont ajouté de nombreux facteurs de fermeture
progressive de l’économie chinoise ces dernières années :
- une conjoncture plus difficile, tout d’abord,
- une politique économique résolument plus favorable au
développement domestique, visant en particulier à accélérer le développement
des secteurs à l’égard desquels le pays s’estimait trop largement dépendant de
l’extérieur (biens d’équipement, haute technologie en particulier) ;
- de plus grandes difficultés à maintenir la croissance de ses
débouchés à l’exportation.
Ces conditions se sont
soldées par une stagnation de la plupart des importations chinoises depuis plus
de deux ans et par une réduction considérable du contenu en importations de la
croissance chinoise et, dans la foulée, asiatique dans sa globalité.
La réouverture de la Chine aux importations mondiales apparaît,
dans de telles conditions, un préalable indispensable au retour d’un
environnement plus porteur sur le front du commerce international. Or, celle-ci
prendra, dans le meilleur des cas, du temps. Celui, tout d’abord, d’une remise
à niveau de la croissance chinoise, aujourd’hui largement amputée par la
correction des multiples excès d’investissement passés, que ce soit dans la
sphère productive ou immobilière. Celui, ensuite, d’un retour vers des niveaux
plus supportable de l’endettement public et privé. Celui, enfin, d’une
acceptation politique d’une nécessaire redistribution d’une partie des
bénéfices engrangés du reste de l’économie mondiale ces vingt dernières années…
Nous n’y sommes assurément pas.
Quelles conséquences ?
Cette rupture est considérable d’incidences sur les rouages
économiques internationaux et explique à bien des égards les difficultés
conjoncturelles récurrentes de ces dernières années.
- En supprimant l’une des principales courroies de transmission de
la croissance à l’échelle internationale, l’inertie des échanges a non seulement
pour effet de réduire le potentiel de croissance mondiale mais également de
créer davantage de disparités, elles-mêmes sources de déséquilibres et
d’instabilités, notamment sur les marchés des changes.
- Les pays émergents, dont l’essor a reposé sur la dynamique de
leurs exportations, source de revenus indispensables à la satisfaction de leur
décollage domestique, subissent aujourd’hui le contrecoup de la confiscation de
ce qui a été le principal soutien à leur développement.
- Un tel environnement est
par nature moins propice à la prise de risque, nuisant de facto aux
investissements des entreprises et aux flux d’investissements directs
internationaux, ce qui est susceptible d’entretenir l’inertie des échanges et
de réduire les chances d’une reprise soutenue de la croissance mondiale.
Ces tendances posent, enfin, la question de leur coût pour des
entreprises de plus en plus mondialisées dont le développement de ces dernières
années s’est très largement construit à partir de perspectives d’une croissance
toujours plus soutenue de leurs débouchés à l’exportation. A combien se
chiffrent ceux-ci dans la valorisation présente des entreprises ?...
Source: Morning Star
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