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Il faut des réformes structurelles pour améliorer l'économie tunisienne
Tunisie - Économie 08.05.2014
La situation économique et
financière en Tunisie est jugée très difficile par nombre d’experts, lesquels
assurent cependant qu’une reprise demeure possible si des réformes
structurelles sont engagées à temps, rapporte l’agence TAP.
Pour redresser l'économie
et mobiliser des ressources financières additionnelles, ces experts économistes
recommandent le lancement d'un emprunt national ouvert non plafonné et sans
date de fermeture, outre l'organisation d'une conférence des bailleurs de fonds
ou “un club de Tunis“.
Un endettement soutenable
Amor Tahari,
consultant auprès « Peterson Institute for International Economics »
et la Banque Mondiale, estime que la situation économique et financière en
Tunisie est "très difficile" et les perspectives demeurent “très
inquiétantes“. Le taux de croissance (prévu cette année en l'occurrence 2,5%,
selon les calculs de la BM) reste donc en dessous des 6 ou 7% requis pour
réduire le taux de chômage élevé et améliorer le niveau de vie des Tunisiens,
a-t-il précisé.
Dans son analyse, Amor
Tahari souligne que «les problèmes de gouvernance et de corruption et les
difficultés structurelles relatives au secteur financier et au système fiscal
n'ont pas été résolus, outre la situation difficile de certaines entreprises
publiques».
De son côté,
l'universitaire et économiste, Taher Almi,
interrogé par la TAP, nuance un peu le constat de Tahari, soulignant que la
situation économique est stabilisée et une reprise progressive de l'activité
industrielle est prévisible au cours des 3ème et 4ème trimestres.
Il pense également qu’il y
aura une amélioration des exportations, un repli du taux d'inflation ainsi
qu'une légère baisse du taux de chômage.
Toujours dans cet ordre
d’idées, l’universitaire tunisien affirme que "les fondamentaux de la
Tunisie sont très moyens mais peuvent s'améliorer".
Par ailleurs, tout en
estimant que l'endettement extérieur niveau demeure très supportable, il invite
toutefois à l’éviter et à opter pour l'emprunt sur le marché local, car, «il y
a suffisamment de liquidités sous les matelas». La preuve est apportée par le
marché financier, où les opérations d'augmentation de capital remportent un
succès auprès du public et des investisseurs.
Pour Tahar Almi, l'on peut
envisager des perspectives prometteuses à partir de 2015, si les saisons
agricoles et touristiques, au cours de cette année (2014), sont bonnes,
appelant "à ne pas trop tirer la sonnette d'alarme pour des raisons
politiques".
Des mesures urgentes…
Pour remédier à la
situation difficile, il y a lieu, d'après M. Tahari, de prendre des mesures
urgentes à court et moyen termes afin de redresser l'économie, rétablir la
situation sécuritaire, regagner la confiance des investisseurs et instaurer une
trêve sociale tout en protégeant les couches sociales les plus
défavorisées.
La reprise des
exportations, notamment du phosphate, l'organisation des élections
(législatives et présidentielle) avant la fin de 2014 sont également des
conditions sine qua non pour la relance de l'économie.
Pour cet expert et ancien
directeur adjoint du Département Moyen-Orient et Asie centrale, au Fonds Monétaire
International (FMI), il s'agit d'éviter au pays le risque de faillite à
l'instar de ce qui s'est passé pour la Grèce, même si ce scénario demeure encore
loin à son avis pour ce qui est de la Tunisie.
«Bien que l'endettement de
la Tunisie ait atteint 50% du PIB, ce taux reste soutenable et pourrait
atteindre 60%, mais faut-il, toutefois, l'utiliser pour le financement de
l'investissement productif et ne pas le destiner à la consommation, comme cela
a été le cas ces trois dernières années», selon lui.
Il a fait savoir que le
gouvernement dispose de marges de manœuvre très limitées et a besoin du soutien
de tous les acteurs économiques et politiques du pays pour faire face à cette
situation difficile.
Les priorités devraient
être concentrées notamment sur 5 secteurs clés: l'assainissement du secteur
financier, la réforme fiscale, l'assainissement du secteur des entreprises
publiques, l'amélioration du climat des affaires et la réduction des disparités
régionales.
En ce qui concerne la
mobilisation de ressources financières additionnelles, M. Tahari pense que les
ressources locales et extérieures déjà identifiées ou mobilisées ne seraient
pas suffisantes pour combler les déficits budgétaires et extérieurs, ni pour
cette année ni pour les 2 ou 3 années à venir, même avec des mesures
d'assainissement adéquates.
Pour autant, il se dit
optimiste quant à l'organisation du Congrès économique le 28 mai 2014, soulignant
la nécessité d'aboutir à des recommandations concrètes qu'il s'agira de mettre
en place sans délais.
A court terme et sur le
plan intérieur, en plus de l'emprunt obligataire qui a été annoncé, il faudrait
penser à instaurer temporairement une "redevance de solidarité" pour
financer des dépenses liées à la sécurité et protéger les couches sociales les
plus défavorisées, recommande-t-il.
Sur le plan extérieur, il
préconise l'organisation d'une conférence des bailleurs de fonds ou un “Club de
Tunis“ pour mobiliser des ressources additionnelles dont la Tunisie a besoin.
Maîtriser la masse
salariale et la CGC
M. Almi abonde dans le
même sens et suggère "de lancer un emprunt national ouvert non plafonné et
sans date de fermeture“. Pour réussir à sauver et redresser l'économie
tunisienne, il est évident que les mesures de redressement devraient être
appuyées par des ressources financières additionnelles qui seraient utilisées
principalement pour la réalisation d'investissements rentables, soutient M. Tahari.
Selon cet expert, les
réformes les plus difficiles à mettre en œuvre seront celles de la Caisse
générale de compensation (CGC) et la maîtrise de la masse salariale outre la
réduction des subventions énergétiques. De telles réformes peuvent être mises
en place efficacement, tout en protégeant les couches sociales les plus
démunies, indique-t-il.
Concernant les recettes,
M. Tahari invite à mettre l'accent sur l'amélioration des recouvrements, à
lutter contre la fraude fiscale et à revenir à certaines mesures prises dans le
cadre du budget 2014.
Selon lui, les dépenses
peuvent être classées en 3 catégories, à savoir les dépenses prioritaires
-qu'il faudrait préserver (dépenses liées à la sécurité, les salaires de base
en dehors des primes et les dépenses sociales touchant les couches les plus
démunies)-, les dépenses d'investissement et autres dépenses prioritaires
-qu'il faudrait lier à la disponibilité des ressources financières- ainsi que
d'autres dépenses moins prioritaires, (subventions énergétiques, primes,
utilisation de véhicules, déplacement, etc.), lesquelles doivent être réduites.
Il s'agit en outre
d'améliorer les équilibres extérieurs via l'adoption de mesures dans les
secteurs touristique et des phosphates ainsi que l'encouragement des Tunisiens
à l'étranger à augmenter leurs transferts en devises.
Nécessité d’une politique
monétaire plus restrictive
Il a recommandé,
également, d'adopter «une politique monétaire prudente, et si nécessaire, plus
restrictive», pour maîtriser l'inflation et contenir les importations. Une
politique de change plus flexible pourrait ainsi aider les exportations et
contribuer à maîtriser les importations, a-t-il ajouté.
En ce qui concerne le
moyen terme (après les élections), l'expert estime nécessaire d'adopter un
programme de 3 à 5 ans, lequel devrait mettre en place un modèle de
développement à même de favoriser une croissance plus élevée et inclusive, la
création d’emplois et la réduction des disparités régionales tout en assurant
le maintien des équilibres macroéconomiques et la poursuite des reformes
structurelles requises.
Selon M. Almi, les
reformes structurelles doivent porter sur l'amélioration du climat de la
concurrence à travers l'éradication du secteur informel. Mais il faut également
mettre en place une politique industrielle du pays et définir les contours de
la politique agricole sur la base d'une décentralisation régionale et une
réforme de la propriété outre la promotion du système de coopératives et
mutuelles dans les secteurs de l'agriculture et de l'artisanat.
Il recommande en outre la
mise en place d'une fiscalité juste et progressive, soulignant que la réforme
du système fiscal relatif aux professions libérales nécessite un courage
politique pour l'imposer par consensus.
Le système productif doit,
par ailleurs, s'appuyer sur un secteur privé dynamique et citoyen, qui doit
être dopé par des mesures appropriées dans les secteurs industriel, agricole et
de services.
Pour l’économiste
tunisien, le secteur public demeure, également, incontournable pour la bonne
marche d'une économie durable. Cependant, «rien n'interdit à l'Etat de vendre
une partie du capital qu'il détient dans les entreprises publiques via la
Bourse, pour pomper des liquidités tout en demeurant le maître à bord et en
gardant 51% du capital. Les recettes de cette vente peuvent être recyclées dans
le financement des investissements d'infrastructure (hôpitaux, écoles, routes
ou autoroutes)».
Source: WMC/ TAP
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