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Les Banques publics coupables ou victimes?»
Tunisie - Bourse 18.04.2014
Il ne faut surtout pas diaboliser les banques publiques: elles n’ont pas
joué notre argent au casino», soutient Dhafer Saïdane qui rappelle que les banques
en question, sujettes à autant de critiques, avaient servi de manière
«patriotique» la politique économique des années de construction et
d’édification de la Tunisie moderne.
«D’aucuns pensent qu’après
des décennies de bons et loyaux services, voilà que ces trois banques sont
jetées en pâture aux critiques des économistes et autres politiques qui ont
parfois la mémoire courte.
Les difficultés qu’elles
rencontrent aujourd’hui ne sont-elles pas induites par des raisons très
anciennes? Les indicateurs ne sont-ils pas passés au rouge il y a déjà presque
une décennie lorsque la STB affichait régulièrement et tous les ans dans ces
états financiers des crédits accrochés de plus de 30% du total des crédits
qu’elle alloue? Le ratio de solvabilité n’était-il pas passé de plus de 10% en
2005 à 8% en 2009? Bref, le verre était déjà dans le fruit et cela depuis très
longtemps.
Ces banques, rappelons-le,
ont été pendant des décennies le bras financier de l’Etat. Et cela s’observe
très bien aujourd’hui dans leurs comptes à travers le montant extravagant de
créances douteuses. Alors coupables ou victimes? Ces banques n’ont-elles pas
été simplement le rouage d’une politique budgétaire expansionniste et d’un
modèle de développement économique qui se cherchait? Ces crédits accrochés, ne
faut-il pas simplement les rajouter au montant du déficit budgétaire?
La restructuration des trois banques publiques, une affaire
d’Etat
En d’autres termes
l’affaire de la restructuration des trois banques publiques est bien une
affaire d’Etat. Ses origines remontent à des choix et parfois des erreurs de
politique économique. C’est donc par la politique économique qu’il convient de
résoudre ce problème, notamment la politique budgétaire et la création de “Bad
Banks“ ou véhicules publics de rachat de dettes.
L’Etat ne devrait pas se
défausser sur le marché en lui déléguant la mission de régler ce problème par
des privatisations, par exemple. La conséquence d’une telle démarche aurait des
conséquences, notamment psychologiques, dramatiques sur la stabilité et la
croissance. Cette opération sera donc coûteuse, longue et complexe.
Avant de parler de
restructuration, il faudrait consacrer un temps suffisant aux
pré-restructurations car la banque n’est pas une mécanique froide. Elle est
faite de femmes et d’hommes. Soit 20.000 âmes en Tunisie qui ont besoin
d’adhérer au projet national de mutation du système financier tunisien. Les
restructurations vont concerner 6.000 collaborateurs, ce qui revient à dire 30%
des effectifs du système bancaire.
Les partenaires sociaux
ont donc droit au chapitre sur ce plan afin d’éviter que l’emploi dans les
banques tunisiennes devienne une variable d’ajustement des restructurations
bancaires.
Ces restructurations
doivent, par conséquent, rentrer dans le cadre d’une grande réforme du mode de
financement de l’économie tunisienne dans le cadre d’un partenariat
public-privé (PPP) à définir clairement au préalable. Mais rien ne nous
interdit déjà de songer à des pré-restructurations. Ils constituent une étape
indispensable.
La privatisation des
banques publiques: une menace pour l’indépendance de la politique monétaire
La privatisation des trois
banques publiques est impensable pour la souveraineté monétaire du pays. Elle
est aussi non souhaitable pour le développement économique, notamment régional.
Une quelconque prise de
participation de groupes étrangers privés ou publics représente une menace pour
l’indépendance de la politique monétaire du pays. Dans tous les cas, elle
serait prématurée dans cette phase initiale de reconstruction du système
financier tunisien. Si elle devait se faire, ce serait dans le cadre d’un PPP.
Les trois édifices
bancaires actuels sont bâtis sur des modèles économiques différents. Leur
rapprochement sera certes complexe mais indispensable.
Quelle solution
préliminaire? C’est par des pré-fusions, la miscibilité des cultures le
rapprochement de lignes d’activité et des économies d’échelle que nous
pourrions baliser le terrain pour la fusion des banques en question. Il s’agit
de réduire les coûts en évitant les doublons et en apprenant à travailler
ensemble. Mettre en commun des réseaux, des équipements (ATM, guichets, outils
commerciaux…), des compétences en matière de banque de détail, en matière de
gestion des risques… Apprendre à travailler conjointement en créant des
véhicules et des entités communes.
Cela peut être envisagé
dans divers domaines à identifier: dans la gestion des exports-imports, dans le
financement des entreprises, dans l’accompagnement des jeunes entrepreneurs…
Cette méthode et cette
étape sont indispensables. Elles ont fait leurs preuves ailleurs: Crédit
agricole + Crédit Lyonnais, BPCE (Banque Populaire + Caisse d’épargne), Amundi
entité créée par Crédit agricole + Société Générale …).
Evoluer progressivement vers une concentration effective et
salutaire
La réorganisation du
marché bancaire tunisien par une plus forte concentration des banques est une
nécessité. Une augmentation du capital minimum au-delà de 100 millions de
dinars semble nécessaire. Les fusions permettent:
- de réduire les coûts de
financement,
- d’améliorer la qualité
et la disponibilité des fonds,
- de mieux répondre aux
besoins de financements croissants,
- d’améliorer la qualité
des services,
- d’encourager
l’innovation,
- d’offrir une plus grande
stabilité du système bancaire (voir ci-dessous).
Une concentration accrue
du marché bancaire tunisien est souhaitable
Le renforcement du pouvoir
de marché des banques tunisiennes, c’est-à-dire une plus forte concentration du
marché, améliore la stabilité du système. Une analyse en données de panel menée
sur le secteur bancaire tunisien en considérant les 10 banques commerciales
cotées en Bourse pour la période 2001-2010 (Amen Bank, ATB, Attijari, BH, BT,
BIAT, BNA, STB, UBCI, UIB) montre une relation positive et significative entre
le pouvoir de marché et la stabilité des banques. Autrement dit, un effritement
du marché bancaire et une augmentation de la concurrence affaiblit le pouvoir
des banques sur le prix, augmente la prise de risque des banques et donc
compromet la stabilité financière. Ce résultat est en accord avec la
littérature existante qui utilise aussi l'indice de Lerner comme un indicateur
du pouvoir de marché (par exemple, Berger et al., 2009).
Le mouvement de
concentration s’est intensifié depuis les années 1990. Les grandes banques qui
disposaient de ressources importantes ont racheté d’autres. Les opérations de
fusions et d’acquisitions se sont multipliées à la recherche de plus
d’efficacité (Indosuez par le Crédit Agricole, puis celle de Paribas et la BNP,
Citibank et Traveler Group qui ont donné City group, ou aussi la fusion de Chase
Manhattan et JP Morgan qui ont donné JP Morgan Chase). (Source: M ; ZIDI (2013)
«Le pouvoir de marché des banques tunisiennes», document de travail).
Quelles banques fusionner?... Simulations de fusions gagnantes
Quelles sont les fusions
qui permettraient d’accroître le potentiel des banques tunisiennes et le
bien-être collectif? Quels seraient les résultats de la simulation du trio
gagnant BNA/STB/BH? Quels seraient les effets de la fusion en termes de
bien-être sur les clients et sur celui des banques?
Un projet de fusions des
banques publiques a déjà été proposé en 2010 mais il n’a pas abouti. Pour
encourager le rapprochement entre les banques, l’Etat avait décidé de créer un
pôle bancaire public «Tunisie Holding»7. Ce pôle avait pour mission d’élaborer
des stratégies et d’assurer le suivi des activités des banques publiques
affiliées (STB, BH).
Amélioration du
financement des PME et soutien accru à l’international des entreprises
tunisiennes constituent quelques avantages attendus de cette nouvelle entité.
La fusion STB/BH
constituerait une innovation d’origine publique. Outre le renforcement du
capital et du champ d’action de la nouvelle entité, l’initiative vise à ne pas
livrer au secteur privé ce que l’Etat sait mieux faire pour le moment. Elle a
une vertu pédagogique. Elle doit être poursuivie et porter sur d’autres entités
publiques par «l’effet d’agglomération».
Les résultats des
simulations de fusions nous donnent les résultats suivants:
*Scénario 1 - Fusion
BNA/STB/BH : augmentation du surplus total
Cette fusion serait
profitable pour toutes les banques. Elle engendrerait un accroissement du
profit global mais elle diminuerait aussi le surplus des clients. Cependant, le
surplus du consommateur qui serait en baisse serait plus que compensé par le
gain en profit des banques. Il y a donc une compensation de la diminution du
surplus des clients.
*Scénario 2 - Fusion
BH/BNA : augmentation du surplus des banques seules
Toutes les banques profiteraient
de la fusion. Elle permet d’augmenter le profit de l’industrie bancaire mais
engendrerait une diminution du bien-être des clients.
*Scénario 3 - Fusion
BNA/STB : augmentation du surplus total
On retrouve lors de cette
fusion des résultats semblables aux résultats de la première fusion rassemblant
les trois banques publiques. De plus, les banques n’ayant pas fusionné et qui
sont considérées dans notre échantillon profitent de la fusion.
*Scénario 4 - Fusion
STB/BH : augmentation du surplus total
Les résultats de ces
simulations montrent que la première fusion rassemblant la BNA, la BH et la STB
reste la meilleure fusion en termes de surplus total. Ce surplus est plus élevé
que celui résultant des autres fusions.
Conclusion: l’audit, la voie de l’oracle à la vérité absolue?
Les auditeurs ne
pourraient-ils pas nous faire gagner du temps et nous aider à aller vers le
fond du problème, c’est-à-dire à identifier les lignes de produits et de
métiers à arrimer durant cette période de pré-fusion?
Plus qu’une photographie
de la situation des banques, l’audit ne devrait-il pas contenir des
orientations originales conforment aux attentes des entreprises et répondant
aux réels besoins de l’économie tunisienne?
Rappelons que la banque
n’a jamais et ne sera jamais une entreprise comme les autres. Les banques, même
privées, sont un rouage de la politique monétaire et donc une extension
naturelle du pouvoir monétaire de l’Etat.
Le résultat final de
l’audit enrichira la réflexion sur le secteur bancaire tunisien mais ne sera ni
la panacée ni la voie de l’oracle qui apportera une vérité absolue. Ce résultat
doit être discuté en haut lieu par les organes monétaire et financier de
l’Etat. Il doit être adapté au contexte d’autant que l’industrie bancaire n’est
pas une industrie comme les autres. Il doit s’inscrire dans le cadre d’une
grande réforme du système financier tunisien.
Que l’Etat assume donc ses responsabilités face à ses propres banques,
fussent-elles à capitaux privés. N’est-il pas, après tout, le garant de la
souveraineté et de la stabilité monétaire de la Nation? Alors qu’il assume son
rôle par la définition d’une feuille de route claire sur les éléments de la
future réforme du système financier en Tunisie et ses perspectives sur les 15
prochaines années.
Source: WMC
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