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Pourquoi les marchés financiers s'affolent

Internationale - Bourse 06.02.2014

Pourquoi les marchés financiers s'affolent


Risques dans les émergents, de déflation en zone euro, faiblesse de la croissance aux États-Unis : les mauvaises nouvelles s'accumulent.

Que se passe-t-il sur les marchés ? Depuis quelques jours, l'inquiétude a gagné les investisseurs. L'aversion pour le risque domine. Les pays émergents, qui voient leurs monnaies décrocher, ne sont plus les seuls touchés. Lundi, la Bourse de Tokyo a dégringolé de plus de 4 %, soit la pire séance de la première place asiatique depuis juin 2013 ! La chute atteint 13 % depuis le début de l'année. À Paris, le CAC 40 a abandonné plus de 1,5 % en une semaine et plus de 4 % depuis le début de l'année, alors qu'il venait d'effacer, le 15 janvier, ses pertes liées à la faillite de Lehma Brodhers. Les États-Unis ne sont pas épargnés. L'indice élargi des valeurs américaines, le S&P 500, a décroché de près de 6 % après une fin d'année 2013 euphorique. 


Il y a pourtant encore quelques semaines, les sociétés de gestion d'actifs affichaient leur confiance. "L'économie mondiale est aux premières étapes d'une reprise synchronisée de la croissance. Peu de risque de voir l'inflation repartir à la hausse. Volonté des autorités monétaires de maintenir des politiques monétaires accommodantes. Réduction du risque global", énumérait une présentation des spécialistes de Natixis Asset Management. Autant de facteurs qui sont toujours à l'oeuvre. Mais les investisseurs voient aussi de plus en plus de risques pesant sur ce scénario.

 

Inquiétudes sur les émergents

 

Depuis mai 2013 et l'annonce du renversement de la politique monétaire accommodante de la Fed, les pays émergents les plus fragiles sont sous pression. Les investisseurs empruntent moins facilement de l'argent à bon compte aux États-Unis pour aller le réinvestir dans des émergents dans l'espoir de forts rendements.

 

D'autant moins que ces rendements paraissent menacés par des facteurs plus fondamentaux, comme le ralentissement de la croissance chinoise. Celle-ci ne devrait plus être de 10 %, comme cela a été le cas ces dernières années, mais de l'ordre de 7 %. La locomotive qui tirait la croissance de nombreux émergents en tant que partenaire commercial privilégié a déjà ralenti. Et sans doute pour longtemps : le modèle de croissance chinois apparaît déséquilibré et menacé par une potentielle bulle de crédits difficile à appréhender car alimentée par le système bancaire parallèle (shadow banking), moins régulé que le système bancaire traditionnel. Autre tendance négative profonde pour de nombreux pays émergents, notamment ceux exportateurs nets de matières premières : la stagnation de leur prix. Depuis le début de l'année, le baril de pétrole de la mer du Nord (Brent) recule de 4 %, celui du blé de plus de 8 %, rappelle Natixis dans son étude.

 

L'inquiétude se concentre en réalité sur une poignée de pays, dont le poids dans l'économie mondiale reste relativement modeste. Il s'agit avant tout de pays qui consomment plus qu'ils ne produisent (les importations sont généralement supérieures aux exportations) et sont donc particulièrement sensibles aux sorties soudaines de capitaux, notamment étrangers, qui financent leur économie. La situation est particulièrement tendue en Turquie, en Argentine, en Ukraine et au Venezuela, où les réserves de changes accumulées atteignent un niveau critique. Mais celles-ci diminuent aussi rapidement en Indonésie, en Inde et en Thaïlande. D'autres pays (parfois les mêmes) sont aussi fragilisés par des risques politiques et sociaux non négligeables, comme la Thaïlande, l'Égypte, l'Ukraine ou la Turquie.

 

D'autres, aux fondamentaux économiques plus robustes, ne sont plus épargnés. "Les peurs ne sont pas (...) nouvelles, mais elles ont convergé la semaine dernière vers l'idée que les émergents seraient restés une classe d'actif en soi (malgré l'hétérogénéité croissante de ces économies) et une classe risquée. Ce sentiment explique la contagion à des pays solides, contre lesquels les attaques sont irrationnelles", analyse Tania Sollogoub, économiste du Crédit agricole SA, dans un édito.

Pour l'heure, les risques de contagion vers le reste de l'économie mondiale apparaissent contenus du fait du poids limité des économies réellement en difficulté. Mais certaines entreprises multinationales pourraient voir leurs profits érodés par la chute des monnaies des pays touchés. Autres risques : celui de voir l'endettement des entreprises des émergents exploser parce qu'elles ont emprunté en devises étrangères ou celui de la baisse de la demande pour les produits occidentaux.

 

Risque de déflation en zone euro

 

Contesté, le risque de déflation en zone euro a repris corps avec la publication de la hausse des prix en janvier. À seulement 0,7 %, celle-ci est bien loin de l'objectif fixé par la BCE d'une progression proche - mais au-dessous - de 2 %. L'inflation est même retombée à son point bas d'octobre dernier, encore moins que le chiffre attendu en moyenne par les économistes. En cause, le niveau de l'euro plutôt fort, la baisse du prix des matières premières, mais surtout le niveau atone de la demande adressée aux entreprises, ce qui les pousse à rogner sur leurs prix. Les plus optimistes soulignent qu'il ne s'agit pour l'instant que d'un ralentissement de la hausse des prix (désinflation) tiré par la modération de tarifs de l'énergie. Et mettent l'accent sur le léger rebond de la croissance attendu en 2014.

Mais beaucoup s'inquiètent de voir la spirale infernale de la déflation se mettre en place si rien n'est fait pour enrayer le mouvement à temps. Une fois la mécanique enclenchée, il est très difficile d'en sortir : les ménages se mettent à anticiper des baisses futures de prix et reportent leurs achats de biens durables. Conséquence, les carnets de commandes des entreprises se vident, ce qui les pousse à réduire leur production et à ajuster leur volume de main-d’œuvre. La hausse du chômage et la stagnation des salaires qui en résultent dépriment encore plus la demande des ménages. La boucle est bouclée.

La situation est déjà particulièrement compliquée dans les pays du Sud, où les taux d'intérêts pour emprunter restent encore élevés alors que l'inflation est très faible, voire négative, comme en Grèce, ce qui renchérit encore les taux d'intérêts "réels" et rend tout rebond significatif de la croissance improbable.

 

La Banque centrale européenne (BCE) pourrait donc se retrouver contrainte à agir jeudi, lors de la prochaine réunion de son comité de politique monétaire. Mais il ne lui reste en réalité que peu de leviers d'action puisqu'elle ne peut pas - ou ne veut pas - envisager des rachats massifs d'obligations d'État susceptibles de faire baisser franchement les taux d'intérêt, non seulement sur la dette publique, mais aussi pour les entreprises et les ménages.

 

États-Unis et Chine : des mauvaises nouvelles ponctuelles

 

La croissance américaine semblait bien installée. Pour le deuxième trimestre de suite, l'activité avait progressé de 3 % au quatrième trimestre 2013... Un indice de la production manufacturière de janvier bien plus mauvais qu'attendu est venu doucher les espoirs des analystes. À la suite de sa publication lundi, le S&P500 et le Nasdaq ont subi leur plus forte baisse depuis 6 mois.

La Chine a de son côté a confirmé lundi le ralentissement de sa production manufacturière en janvier à son plus bas niveau en six mois. Selon un analyste du Crédit agricole, cité par l'Agence France-Presse, "avec la diminution de l'aide monétaire américaine, des inquiétudes variées pour les pays émergents et une croissance plus faible en Chine, nous avons un cocktail pour quelques semaines instables, si ce n'est plus".

 

Source: Le Point

 

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